« Mon chien sait quand je rentre à la maison ». « Mon chien comprend que je l’aime ». Nous sommes nombreux à prononcer ces mots, ou des phrases similaires, tous les jours.
Pourtant, nous ne savons pas vraiment ce que pense ou ressent notre chien : nous disons qu’il aime les pommes, mais s’il pouvait parler, il dirait peut-être qu’il préfère de loin le fromage. Comme pour beaucoup d’autres aspects de notre vie avec les chiens, nous ne pouvons pas en être sûrs, parce qu’ils ne peuvent pas nous le dire.
L’évolution de la conception sur les capacités de réflexion des chiens
C’est en partie cette incapacité à communiquer qui a poussé de nombreux philosophes, comme Descartes, à affirmer que les chiens n’étaient rien d’autre que des automates sans cervelle répondant simplement à des instincts et à des signaux physiologiques. Suivant les préceptes religieux de l’époque, il estimait que les chiens ne pouvaient pas être intelligents, car l’intelligence impliquait la conscience, et la conscience impliquait l’existence d’une âme. L’idée qu’un être autre que l’homme puisse avoir une âme était, à l’époque, tout simplement intolérable.
Nous avons parcouru un long chemin depuis le XVe siècle. Au cours des deux dernières décennies, de plus en plus de recherches ont mis en évidence le fait que, contrairement à la vieille idée selon laquelle les chiens ne sont que des « animaux stupides », ils ont une capacité aiguë à penser et à raisonner. Aujourd’hui, grâce à ces décennies de recherches, la question est passée de « Les animaux pensent-ils ? » à « Comment et à quoi pensent-ils ? ».
Le rôle de la technologie dans la compréhension du cerveau du chien
Bien que les chiens aient développé des capacités d’apprentissage social très efficaces depuis qu’ils cohabitent avec nous, ce n’est qu’en 2012 que les scientifiques ont commencé à exploiter l’énorme puissance de l’IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) pour étudier et suivre le fonctionnement réel du cerveau canin.
Tout d’abord, un mot sur l’IRMf et sur le fait qu’il est remarquable que les chiens puissent être entraînés à subir ces scanners. Si vous avez déjà passé une IRM, vous savez que cet examen vous oblige à rester parfaitement immobile, même lorsque l’appareil fait des bruits sourds. De nombreuses personnes trouvent l’expérience intolérable, même en portant des bouchons d’oreille… Pourtant, les chiens qui ont participé à ces études sont capables de rester immobiles (bien qu’avec des protections auditives adaptées) et de supporter les scanners, même s’ils sont totalement éveillés et pas attachés.
En 2014, des chercheurs utilisant l’IRMf ont découvert que les cerveaux canins et humains traitent de la même manière les indices de valence émotionnelle vocale (signaux qui révèlent le contenu émotionnel d’un son). Deux ans plus tard, l’IRMf a montré que les chiens peuvent répondre aux indices linguistiques – les signaux non verbaux, tels que le ton de la voix et l’expression faciale que nous utilisons pour déchiffrer le sens d’un mot – une compétence que l’on pensait autrefois exclusivement humaine. À l’époque, cependant, la recherche était limitée par l’état élémentaire de cette première technologie d’IRMf.
Au début des années 2020, l’étude des cerveaux canins à l’aide de l’IRMf s’est accélérée, en même temps que la technologie elle-même se perfectionnait. À cette époque, l’imagerie cérébrale a prouvé à tous les sceptiques, sauf aux plus bornés, que les chiens traitent le langage d’une manière extrêmement similaire à celle des humains.
L’imagerie cérébrale a également confirmé les similitudes entre les structures des cerveaux humain et canin : bien que le cerveau humain soit plus grand et plus complexe, le cerveau canin possède les mêmes lobes que le cerveau humain. L’écrivaine scientifique Virginia Morell affirme qu’en comparant les cerveaux humain et canin, « à un niveau fondamental, il existe d’importantes similitudes qui donnent aux animaux la capacité d’expérimenter le monde, de prendre des décisions et de faire des choses intentionnellement ».
Les chiens peuvent penser sans langage
Cela signifie-t-il que les chiens « pensent » ? Pendant des décennies, les scientifiques ont insisté sur le fait que le langage était essentiel à la pensée intelligente, ce qui a conduit à penser que nos capacités linguistiques uniques désignaient les humains comme les seuls êtres capables de penser. Ce point de vue est aujourd’hui pratiquement réfuté, une fois de plus grâce à la magie de l’IRMf. Au cours d’une étude, les régions du cerveau liées au langage n’ont pas été activées lorsque des sujets humains ont été soumis à une tâche de résolution de problèmes, ce qui signifie que la capacité de penser ne dépend pas du langage.
En 2013, Virginia Morell a émis l’hypothèse que les chiens pourraient peut-être penser en images. Ses paroles se sont avérées prémonitoires : dix ans plus tard, une étude de référence a révélé que les chiens créent effectivement une image multidimensionnelle de leurs jouets familiers ou d’autres objets dans leur esprit. Ainsi, lorsqu’ils pensent à un objet, ils imaginent ses différentes caractéristiques, telles que son aspect, sa sensation ou son odeur. Une autre preuve de la capacité de réflexion des chiens est qu’ils peuvent également faire la différence entre des images visuelles sans liens entre elles, des images de chiens par rapport à d’autres espèces animales et des voix humaines.
Les chiens pensent avec nous, et nous avec eux
Certaines des études les plus fascinantes sur la cognition canine portent sur la manière dont les chiens pensent avec nous et dont nous pensons avec eux. La chercheuse Michelle Merritt affirme qu’en étudiant la pensée des chiens, nous étudions nécessairement notre propre esprit. Il ne fait aucun doute que les chiens reçoivent de nous des signaux importants pour comprendre à la fois notre pensée et ce que nous voulons – par exemple, leur capacité à suivre nos gestes de pointage du doigt. Les chiens et les humains créent et partagent des significations en permanence : par exemple, lorsque votre chien se lève soudainement pour regarder par la fenêtre et que vous le suivez pour voir ce qu’il y a dehors. L’examen des interactions que nous avons avec nos compagnons canins peut nous amener à reconsidérer nos idées sur ce qu’est la pensée. Si penser signifie évidemment évaluer et être rationnel, cela signifie aussi avoir des émotions, lire les signaux sociaux et s’engager dans une communication significative.
Conclusion
Les chiens ne cessent de nous surprendre par ce dont ils sont capables et par le fait que nous nous ressemblons à bien des égards. Pourtant, même si nos comportements semblent comparables, le fait est que nous n’occupons pas la même place dans le monde que nos chiens et que nous ne pourrons jamais vraiment pénétrer dans leur esprit.
Peut-être, comme le dit le Dr Stanley Coren dans son livre How Dogs Think, n’avons-nous tout simplement pas les capacités mentales nécessaires pour comprendre le fonctionnement de l’esprit d’un chien.