Le chien est devenu si proche de nous dans notre vie de tous les jours, que son comportement a depuis longtemps suscité l’intérêt.
Que n’a-t-on pas entendu de la part des propriétaires de chiens ? Et bien souvent ces considérations sont anthropomorphiques. De nombreuses opinions circulent sur le comportement du chien, certaines sont exactes, d’autres fausses…
L’éthologie est une spécialité vétérinaire qui s’attache à la compréhension des mécanismes du « fonctionnement » animal et il existe, fort heureusement, maintenant des comportementalistes, vétérinaires ou non, que tout propriétaire de chien peut consulter si son compagnon ne s’est pas intégré correctement dans sa famille ou s’il pose problème dans ses interactions avec son entourage ou la société.
Le comportement alimentaire
Il est fortement influencé par le statut hiérarchique du chien ; le dominant mange en premier, tranquillement, devant les dominés ; alors que le chien dominé mange ensuite et rapidement.
« Le chien aime les menus variés, comme nous… »
Il semblerait que les chiens élevés avec un régime alimentaire diversifié acceptent plus facilement une nouvelle nourriture. Cependant, les changements fréquents et brusques de nourriture sont déconseillés, car générateurs de troubles digestifs. Il faut 4 à 5 jours au chien pour que son système digestif s’adapte au nouveau type d’aliment. Voilà pourquoi, il est toujours préconisé de faire une transition progressive lors du passage d’un aliment à un autre.
« S’il mange ses selles, c’est qu’il a des carences… »
Excepté la mère qui ingère les excréments de ses chiots durant les premières semaines, et le chien qui consomme des excréments d’espèces différentes, l’origine d’un tel comportement est rarement liée à des carences alimentaires.
Par contre, lors de punition excessive d’un chiot par son maître qui découvre des excréments dans la maison, le chiot cherchera à les faire disparaître en les ingérant pour qu’ils ne soient pas découverts.
Des chiots élevés dans des milieux pauvres en stimuli et touchés par un syndrome de privation peuvent développer une anxiété intense provoquant la coprophagie, l’ingestion des selles.
Un syndrome de détachement précoce peut apparaître lorsque la mère des chiots est décédée ou si la séparation a lieu trop tôt ; générateur là aussi d’anxiété intense.
Ainsi, une nourriture équilibrée, de qualité, en évitant trop de changements brusques, permet de vérifier qu’il n’y a pas de trouble causé par l’alimentation. Une ration à haute teneur en protéine et en lipide et faible en glucide sera parfaitement adaptée.
Sur le plan comportemental, il ne faut pas punir le chien de façon abusive lors de la découverte de selles et surtout ne pas les enlever devant lui. Il faut le faire hors de sa vue.
Il est également possible de saupoudrer de poivre, de Tabasco… substances aversives sur les excréments pour éviter leur ingestion.
« Le chien mange de l’herbe pour se débarrasser de ses vers… »
C’est le plus fréquemment lié au fait que le chien associe la consommation d’herbe au vomissement qui s’ensuit. Lors de dérangement gastrique, le chien cherchera à en ingérer afin de se soulager. La localisation dans l’intestin des parasites empêche tout rejet par vomissement.
« Le chien préfère la personne qui lui donne à manger… »
L’alimentation est une composante de l’expression de la dominance chez le chien. Le fait de donner à manger à un chien peut être considéré par ce dernier comme une attitude de soumission si la personne qui le nourrit assiste de surcroît au repas.
Si ce rituel se répète, il confirme le statut hiérarchique dominant du chien. Le fait de donner à manger
au chien prend un sens pour celui-ci, mais pas le sens espéré par le maître. Le chien doit manger après lui, rapidement, et seul. Il ne faut pas assister au repas et lui enlever dès qu’il a terminé, et une dizaine de minutes suffisent en général.
Le comportement éliminatoire
L’apprentissage de la propreté est une étape essentielle dans l’éducation du chiot. Il est nécessaire de le sortir à son réveil, dans les 15 à 30 minutes qui suivent les repas et le récompenser lorsqu’il urine dans les endroits appropriés afin de faciliter cet apprentissage de la propreté.
« Lorsque le chien ou le chiot fait ses besoins dans la maison, il faut lui mettre le nez dedans pour qu’il comprenne qu’il a mal agi… »
Le chien ne vivant que dans l’instant, quelques secondes après l’acte, il ne fait déjà plus le lien entre l’acte qu’il vient de faire et lui, et encore moins entre l’acte et la punition qui lui serait infligée.
Par contre, s’il est régulièrement puni, il pourra avoir tendance à faire disparaître ses déjections (les ingérer, les faire dans des endroits cachés) ou ne les faire qu’en l’absence du maître.
Ce genre de réaction du maître ne peut avoir que des conséquences néfastes ; cacher ses excréments, ne faire ses besoins qu’en l’absence de ses maîtres donc pas lors de la promenade ou de la sortie, et générer une source de peurs que le chiot cherche à éviter.
La punition dans ce cas est inutile. Il est préférable d’ignorer complètement les déjections quand on les découvre en présence du chiot ou du chien, d’évacuer le chien et de nettoyer hors de sa vue.
Et surtout, ne jamais s’énerver ! L’apprentissage de la propreté sera d’autant plus rapide que le chiot est sorti précocement.
Il faut faire en sorte qu’il fasse ses déjections dehors le plus souvent possible. Lorsque le chiot fait ses besoins dehors, il faut le récompenser ou le féliciter explicitement ; mais il est nécessaire de le faire immédiatement après pour qu’il fasse le lien entre les deux.
Dans le cas de la promenade/sortie, il ne faut pas rentrer juste après que les besoins aient été faits, car la sortie et l’élimination doivent être associées au plaisir de la promenade.
On entend fréquemment qu’il ne faut pas sortir un chiot avant qu’il soit complètement vacciné. Avec ce principe, il ne sera sorti que trop tardivement et sa tolérance aux stimuli de la rue en partie compromise ou tout du moins amoindrie et plus difficile à acquérir ensuite, car plus âgé et sera déjà un peu moins apte aux apprentissages de base.
« Lorsqu’un chien urine la nuit, il faut le mettre à l’attache, ou dans un endroit exigu ; ainsi il arrêtera, de peur d’uriner sous lui… »
Le chiot, jusqu’à l’âge de 4 mois, n’arrive pas à se contenir longtemps. S’il n’est pas sorti toutes les 5 à 6 heures, il peut uriner dans la maison et ce n’est en rien pathologique ou anormal.
Cette claustration est inutile et peut dans certains cas être fortement anxiogène. Elle est donc déconseillée. Il est préférable de trouver la cause de ses déjections nocturnes et la traiter.
Le comportement agressif
L’agressivité correspond à une attitude du chien, il ne s’agit donc pas d’un trait de caractère. Les comportements d’agression peuvent être répartis en trois catégories : normal, pathologique, car inadapté au contexte, ou enfin consécutifs à un entraînement.
Comme toute séquence comportementale, l’agression est divisée en trois séquences, la phase appétitive, la phase consommatoire et la phase d’apaisement.
D’après Patrick Pageat, qui fait autorité en la matière, vétérinaire et éthologue, fondateur de l’École française de comportement du chien et auteur de « L’Homme et le Chien », on peut observer cinq catégories d’agression spécifiques, catégories fondées sur l’observation rigoureuse du comportement canin.
L’agression prédatrice
Elle se caractérise par la poursuite de la proie par le chien et sa mise à mort, qui, dans certains cas, peut
même être consommée. Cette agression peut être dirigée vers des espèces domestiques, voire vers
l’homme. À la base, chez les chiens non domestiqués, elle est un comportement normal destiné à se nourrir.
L’agression hiérarchique
Elle apparaît lors d’un conflit pour l’accès à des prérogatives hiérarchiques, contrôle de l’alimentation, de l’espace ou de la sexualité). Elle est liée à une hiérarchie mal établie au sein de la meute ou de la famille/
meute. Si le chien est dominant, la morsure est bien contrôlée et le chien pince avec les incisives. Lorsqu’il est en position de « challenger », les morsures sont très délabrantes, car le chien attend la soumission de l’opposant pour lâcher prise. Ensuite, le chien pose la patte sur le vaincu et lèche ce dernier.
L’agression envers les humains
Elle se manifeste en général envers des personnes de la famille, rarement envers des individus extérieurs au cercle familial. C’est en quelque sorte une agression de dominance.
L’agression territoriale et maternelle
Le déroulement est similaire pour ces deux types d’agression. Elles ont lieu lorsqu’un individu pénètre
dans le territoire du chien, agression territoriale, ou s’approche de la portée, agression maternelle. Elle
s’exprime par des aboiements, des oreilles dressées, une queue relevée et une piloérection. Le but est de faire fuir l’intrus et l’agression cesse quand la personne s’éloigne suffisamment.
L’agression par irritation
Elle se déclenche lors de douleurs infligées au chien, lors de contacts répétés malgré les signaux de demande d’arrêt du chien, lors de la frustration ressentie par le chien. Son déroulement varie selon la position hiérarchique du chien.
Dans le cas d’un dominant, la morsure est brève et répétée jusqu’à ce que la personne cesse. Si le chien est un dominé, il se ramasse sur lui-même, détourne le regard, mord plusieurs fois, puis s’éloigne.
C’est un cas d’agression déclenchée par un contexte anxiogène auquel le chien ne peut pas se soustraire. La morsure n’est pas contrôlée et très délabrante et la phase d’apaisement très variable.
« Un chien agressif est un chien dominant… »
Lorsqu’un chien agresse une personne ou un autre animal, il ne s’agit pas systématiquement d’une expression de sa dominance. Afin de comprendre, il convient de mettre en évidence les circonstances de l’agression. Selon le cas, il pourrait s’agir d’une agression prédatrice, par peur ou maternelle.
Lorsqu’une agression hiérarchique est dirigée vers un chien ou un individu d’une autre espèce, il est possible de parler de dominance. Il est néanmoins nécessaire de distinguer une agression déclenchée par un chien dominant de celle déclenchée par un chien « challenger », l’ordre hiérarchique n’étant pas clairement instauré, celui-ci n’est ni dominant ni dominé au sein de la meute, et il peut tenter de devenir dominant. Le déroulement de l’agression ainsi que les morsures ne seront pas les mêmes.
Il est à noter que les chiens sociopathes présentent souvent ce que Patrick Pageat nomme « la triade des sociopathes ». Ils manifestent de l’agression hiérarchique, de l’agression par irritation et de l’agression territoriale. Dans ce cas, ces agressions sont à relier à l’expression de la dominance. Un chien sociopathe, selon Patrick Pageat, désigne un individu non dominé au sein d’un groupe, mais qui peut tenter de devenir dominant, situation qui apparaît lorsque les repères hiérarchiques sont flous.
« Un chien qui a agressé une fois agressera à nouveau… »
Lorsque le chien a mordu dans un contexte précis, le risque qu’il morde de nouveau n’est pas systématiquement élevé. Tout dépend des conditions de l’agression et de l’animal.
En effet, certains chiens sont atteints d’affections comportementales qui les prédisposent à un nouveau passage à l’acte. Il faut cependant s’abstenir de généraliser et essayer de trouver l’origine précise du passage à l’acte afin de modifier l’organisation du groupe, lors de troubles hiérarchiques, ou de traiter le chien, lorsqu’il est atteint d’une affection comportementale.
« Certains chiens sont agressifs, car c’est dans leurs gènes… »
Le comportement du chien est influencé par son patrimoine génétique ainsi que par l’environnement dans lequel il évolue ; et l’empreinte laissée par l’environnement commence « in utero ».
Des extrapolations à partir d’études réalisées sur la souris montrent que la génétique intervient à hauteur de 15 à 20 % dans tout comportement et que l’influence des conditions liées à l’environnement est de 80
à 85 %. Aucun gène responsable de l’agressivité n’a jamais été mis en évidence.
Le chiot nouveau-né a un système nerveux immature qui se développe sous l’influence des conditions du milieu extérieur. Le comportement futur est donc dépendant en grande partie de l’environnement, des conditions d’élevage et des conditions d’éducation de l’animal.
Le chiot, pendant son développement qui se déroule en grande partie dans l’élevage, doit acquérir la morsure inhibée, apprendre les bases hiérarchiques, être socialisé à sa propre espèce ainsi qu’à celles qu’il sera susceptible de rencontrer par la suite et apprendre les codes de communication.
Si ce n’est pas bien réalisé, le chien pourra présenter des affections comportementales susceptibles d’entraîner des conduites agressives : mauvaise socialisation, syndrome Hs-Ha (hypersensibilité-
hyperactivité), pouvant évoluer vers de l’hyperagressivité secondaire.
Plusieurs facteurs sont donc extrêmement importants et conditionnent l’équilibre comportemental futur
L’importance des conditions d’élevage du chiot depuis la vie intra-utérine jusqu’à l’adoption par sa nouvelle famille est prépondérante.
Le rôle de la mère, son équilibre émotionnel, son état de stress (les femelles stressées ont tendance à mettre au monde des chiots stressés), sa maturité et sa capacité à prodiguer les soins à sa portée, sa tolérance à la douleur (si la mère est plus endurante à la douleur pour s’être battue souvent, elle corrige moins systématiquement les chiots suite à leurs morsures et l’apprentissage de la morsure inhibée est alors moins bien réalisé), le bon déroulement de la gestation dans un cadre calme, le nombre de chiots dans la portée (4 à 6 chiots est le nombre idéal, avec davantage le nombre de chiots délaissés augmente et l’acquisition des autocontrôles diminue), l’âge auquel le chiot est séparé de sa mère (pour des familles peu familiarisées avec l’éducation canine, 10 à 12 semaines est l’âge le plus indiqué).
Ensuite, après son adoption, il est nécessaire de poursuivre l’éducation, l’apprentissage de la hiérarchie et s’il ne l’a pas déjà acquit (ce qui à 2 mois devrait être le cas), l’apprentissage de la morsure inhibée.
Les premières semaines de la vie du chiot sont fondamentales (élevage puis famille d’adoption) puisqu’elles permettent au chiot de se socialiser, d’acquérir des autocontrôles et d’apprendre les règles de la communication et de la hiérarchie.
Il n’y a ni race gentille ni race agressive et un Labrador mal éduqué et potentiellement aussi dangereux
qu’un Pit-bull.
Ne pas hésiter à se faire aider
Au travers de ces quelques exemples, tout un chacun peut s’apercevoir que nombre d’idées reçues sont sans fondements et qu’elles sont parfois des plus néfastes ; voire provoquer le résultat inverse de celui escompté.
Tous les maîtres ne peuvent être experts dans l’art d’éduquer leur chien, mais dans ce cas, il ne faut pas hésiter à se faire aider ; école du chiot, vétérinaire, comportementaliste, éleveur…
De même, de nombreux éleveurs ou particuliers qui font une ou plusieurs portées devraient davantage se soucier du bien-être de leurs reproducteurs et veiller à leur équilibre comportemental autant qu’à leur santé, leur morphologie ou leur robe.