Dans le monde de la cynophilie, la plupart des éleveurs participent aux expositions canines pour y présenter leurs plus beaux spécimens.
Mais quel est l’envers du décor et comment arrive-t-on à pareil résultat ?
L’exposition : une vitrine pour les amateurs
Les expositions sont, en quelque sorte, une vitrine, qui permet aux éleveurs de montrer leur savoir-faire… car il va sans dire qu’ils n’inscrivent que leurs plus beaux sujets.
L’aspect économique n’est pas étranger à l’affaire, car entre les visiteurs venus se renseigner en vue de l’achat d’un chiot et la possibilité de vendre des saillies aux autres éleveurs, les frais occasionnés par cette participation constituent un investissement.
Et qui dit investissement, suppose « retour sur investissement », quand bien même pour certains, l’ego semble être la seule motivation…
Cependant, nul ne pourra nier le plaisir qu’il ressent lorsque son chien arrive premier et remporte un titre ; qu’il soit éleveur ou simple particulier qui, à de rares exceptions près, ne participera qu’épisodiquement, voire une seule fois pour faire confirmer son chien.
Avis d’expert
Contrairement à un site Internet ou aux encarts publicitaires, le moment est venu de « faire ses preuves », sans far ni beaux discours…
Les chiens sont examinés par un juge habilité par la Société Centrale Canine qui vérifie leur conformité au standard de la race (le CACS est le titre obtenu, tout comme le CACIB, Certificat d’Aptitude au Championnat International de Beauté dans une exposition internationale) et vérifie que celui-ci est correctement sociabilisé.
Un chien, dont le juge ne peut examiner les dents par exemple, risque fort de se voir disqualifier, de même s’il se montre agressif.
Ainsi, l’œil d’un expert analyse la qualité apparente du chien : son phénotype, ce que l’on voit. Mais cela ne préjuge en rien des autres qualités sur le long terme, telles que la longévité ou la santé ; ni de ses qualités de reproducteur dans l’absolu.
C’est un constat à un moment donné, de l’excellence d’un chien par rapport au standard de sa race, telle qu’elle a été définie par le club de race, en accord avec la Fédération Cynologique Internationale. « Être » est une chose, « transmettre » en est une autre…
La reproduction: une affaire de longue haleine et pleine d’embûches
La reproduction s’apparenterait plutôt au laboratoire, qui se situe en amont, puisqu’avant de présenter un chien en exposition il a bien fallu qu’il naisse, grandisse, et devienne mature…
Il existe des classes « Baby », « Puppy », « Jeune » en exposition, mais elles sont plus indicatives d’un potentiel puisque durant la croissance, bien des mésaventures peuvent se produire et obérer le devenir d’un chien qui semblait pourtant très bien parti pour devenir un champion, quand bien même celui-ci est issu de parents tous deux champions.
Le résultat d’un accouplement n’est jamais acquis : les possibilités sont tellement infinies qu’il est bien hasardeux de se livrer à des pronostics. Dans un mariage, chacun des deux partenaires fournit une moitié du patrimoine génétique du bébé.
Quand bien même l’un des deux est exceptionnel, si l’autre est défaillant, le résultat ne sera pas au rendez-vous. De plus, chaque être vivant, et le chien ne fait pas exception, possède des gènes délétères qui, heureusement, ne s’expriment pas la plupart du temps, mais qui peuvent potentiellement être transmis.
Mariage « Royal » : une garantie de qualité ?
Prendre le plus beau chien et le plus titré avec une chienne présentant ces mêmes caractéristiques a toujours été une des règles en matière de reproduction canine. Effectivement, le résultat en général est un sujet intermédiaire.
Mais les exceptions sont nombreuses et les lignées de champions sur plusieurs générations, assez rares…
Deux chiens qui présentent tous deux de grandes qualités que tout un chacun peut constater « de visu » engendrent parfois des chiots qui sont bien loin d’être à leur niveau. Deux phénotypes d’exceptions peuvent donc donner naissance à des phénotypes qualitativement moindres.
S’il suffisait de marier « le plus beau et le plus titré » avec son homologue féminin, cela se saurait depuis longtemps ! Bien sûr, les deux sujets à marier doivent être exempts de défauts et présenter l’un et l’autre des qualités morphologiques, comportementales, tout en bénéficiant d’un bon potentiel santé.
Sur ces trois qualités, seule la morphologie peut se détecter sans problème. Par contre, le comportement et la santé sont nettement plus difficiles à détecter dans l’instant et sans un recul assez important.
Alors que l’exposition repose sur le phénotype puisque l’on considère un chien donné « à l’instant T » en tant que résultat d’un travail de sélection, la reproduction se préoccupe tout autant de génotype (l’ensemble des gènes que possède un chien et qui déterminent ses qualités) que de phénotype et de leurs relations, sans oublier l’incidence de l’environnement.
En effet, celle-ci a également sa part, car si le génotype, c’est-à-dire le patrimoine génétique, conditionne le phénotype, donc l’apparence du chien, tout ne se résume pas uniquement à la génétique.
Le caractère, par exemple, bénéficie d’une héritabilité relativement faible, de l’ordre de 15 à 30 %. Le reste provient de l’acquis, c’est-à-dire des conditions de vie, des parents tout d’abord puis des chiots ensuite.
À la recherche du profit
Hélas, on constate souvent que de nombreux élevages sont devenus de simples « pompes à fric », réformant et évacuant tout ce qui est improductif.
Haro sur le vieux ou le malade ! Et les portées s’enchaînent jusqu’à l’âge de 3 ou 4 ans et on passe au reproducteur suivant après avoir fourgué le précédent le plus rapidement possible.
Pour parfaire le tout, on met tout le monde en cage pour « rationaliser ». Ainsi moins de travail, pas de bagarres, chacun dans son cube.
Car il est indéniable qu’il y a contradiction entre l’aspect économique de l’élevage et le côté affectif.
Élever une seule race ne peut en aucun cas permettre d’en vivre. Or, la plupart des éleveurs sont dans ce cas. Ils s’imaginent pouvoir s’en sortir en augmentant leur « production », mais ils n’arrivent qu’à amplifier le problème de départ.
Comment un être vivant pourrait-il s’épanouir en cage ? Qui peut croire qu’un chien, quelle que soit la race, puisse vivre de manière satisfaisante en box ? Un fauve qui tourne compulsivement dans sa cage en arrive à creuser les endroits où il pose ses pattes, car il fait exactement le même trajet dans ses 6 mètres carrés à longueur de journée, durant toute une vie. C’est une des conséquences du stress.
Un chien en cage subit lui aussi un stress qui est lourd de conséquences, pour lui et tout autant pour sa descendance. Et ce n’est pas sa « courette » qui change grand-chose à son enfermement ; elle permet d’être en règle avec la législation, mais rien de plus.
Mais pourrait-on attendre des futurs acheteurs qu’ils en prennent conscience ? Au moins de ne pas encourager ce genre de fonctionnement en y achetant leur chiot. Sans demande, il n’y a pas d’offre.