Fondé sur la crainte, le dressage des chiens débute vers 1900. Avec l’éducation éthologique dans le respect du chien (École du chiot et Méthode naturelle), celui-ci devient aujourd’hui un compagnon de jeu bien intégré dans notre société.
À son début, comme l’annoncent les programmes de travail et les premiers clubs d’amateurs (1906 en Belgique, 1908 à Lille), le dressage est destiné aux chiens de défense, qui reçoivent la même éducation que les chiens de police. Ils sont éduqués à la dure : collier à pointes aiguisées ou gourdin, sauts par pendaison avec étrangleur…
Aujourd’hui, certains dresseurs continuent à utiliser la contrainte et la douleur, en particulier avec des moyens modernes comme le collier électrique que l’on peut faire fonctionner à distance, mais ils sont de moins en moins nombreux…
Si on a longtemps utilisé le terme dresser, dans les clubs de « dressages » on parle aujourd’hui d’éduquer et de clubs d’« éducation ».
Dresser vient du latin directiare, de directus (droit), du verbe dirigere (mettre en ligne droite). Dresser a donné les mots dressage, adresser, adresse, maladresse, redresser, redressement…
De nos jours, ceux qui « dressent » sont perçus par le grand public comme des brutes (souvenez-vous des maisons de « redressement »). Il vaut mieux employer le verbe « éduquer » qui vient du latin educare et qui signifiait nourrir ou élever, avant de prendre le sens actuel de « faire acquérir des apprentissages en complicité et en douceur ».
La Méthode naturelle
C’est en observant les loups sauvages en 1979 que cette méthode a été découverte. Pourquoi les louveteaux répondent-ils si bien à l’appel de leur mère ? C’est l’instinct de survie pour se nourrir.
Pourquoi adoptent-ils les positions assis, couché, debout ou la marche contre leur mère la tête tournée vers elle, sans qu’on les y oblige, sans même qu’elle les touche ? C’est qu’ils attendent plus de nourriture.
L’École du chiot, créée en 1985, s’inspire de ce phénomène pour préparer les futurs chiens guides d’aveugles ou de décombres en particulier à la résistance au stress et à l’endurcissement.
Pourquoi brutaliser l’animal pour l’obliger à faire quelque chose, alors que s’il en éprouve le besoin, il le fera de lui-même ?
Les louveteaux arrivent très vite jusqu’à leur mère lorsqu’elle revient de la chasse. Ce n’est pas par amour, mais parce qu’ils savent qu’il y aura régurgitation ou apport de nourriture. Ils ont la tête orientée vers le museau de leur mère en permanence.
- Si elle lève le museau, le louveteau s’assoit.
- Si elle se couche, il se couche.
- Si elle se lève, il se met debout.
- Si elle marche, il se colle à elle, la tête tournée vers ses babines.
En transposant au maître et à son chiot, il suffit d’avoir dans la main une friandise et le chiot est prêt à faire tous les apprentissages sans laisse.
La motivation est essentielle, surtout si elle est basée sur des instincts primaires (liés à la survie). Le principe de base est de ne pas tenir compte des mauvais comportements et de renforcer les comportements recherchés, le contraire de la méthode classique.
Joseph Ortega est éthologue de terrain (loups), inventeur de la Méthode naturelle et de l’école du chiot, formateur pour les éducateurs de chiens guides d’aveugle ou pour handicapés, chiens de décombres et de pistage, chiens-visiteurs, éleveurs, moniteurs de club, comportementaliste…
Juge pour la compétition canine internationale. Journaliste spécialisé et auteur de nombreux ouvrages.
Le bon départ
Cette méthode d’éducation du chiot, basée sur le jeu, permet au chiot quelle que soit sa race, d’acquérir dès son plus jeune âge les bons réflexes et de renforcer très tôt sa complicité avec son maître.
Animal de meute à l’origine, un chiot, a besoin d’être éduqué pour vivre en société. Cette étape indispensable, au cours de laquelle il apprend à revenir dès qu’on l’appelle, à se familiariser avec l’environnement, à obéir aux ordres, à marcher en laisse sans tirer lors des promenades, avoir un comportement équilibré avec ses congénères…. nécessite du temps et des réflexes pas toujours connus par les propriétaires.
Deux façons de procéder
Dès qu’un comportement intéressant apparaît par hasard, on donne le signal (l’ordre) qu’on veut faire mémoriser, puis on récompense. Au bout d’un certain temps, l’association est créée dans l’esprit du chien et, à un signal donné, il exécute le comportement correspondant. Par exemple : le chien s’assoit, on dit « assis » et on félicite.
On provoque le comportement recherché, on donne le signal (l’ordre) qu’on veut faire mémoriser, puis on récompense. Par exemple : le maître lui présente de loin une gamelle et, au moment où il la voit, le chien court vers son maître. Ce dernier dit « au pied » et, dès qu’il arrive, la lui offre.
La gestuelle
Avec cette méthode, chaque ordre est accompagné d’une gestuelle précise, ce qui renforce le signal. Cette gestuelle permet également l’éducation des chiens sourds.
- Assis : la main qui tient la récompense s’élève au-dessus de la tête du chien, ce qui l’incitera à prendre la position.
- Couché : la main descend devant ses pattes.
- Debout : il est en position assise, la main part parallèlement au sol à partir de son museau.
- Devant ou au pied : au rappel, la main est à la hauteur du nombril du maître, pour que le chien vienne très vite, soit à la bonne distance et lève la tête.
- La marche au pied : au moment où le chien revient, la main gauche, qui tient la récompense, décrit un arc de cercle pour qu’il vienne se mettre parallèlement à son maître. Il ne reste plus qu’à avancer, le chien marchera au pied.
Une ludo-pédagogie
Le chien adore jouer, tous les maîtres le savent, même si cette activité semble a priori dépourvue d’utilité. En fait, chez les canidés, elle a une fonction biologique à valeur de survie pour leur permettre de s’intégrer dans leur environnement et leur apprendre les limites.
Pour les chiens des villes, le jeu constituera une soupape de sécurité pour libérer l’énergie, surtout pour ceux qui vivent dans un espace restreint.
Il faut oublier la rigidité des méthodes classiques. Au dressage aveugle, on oppose la relation avec l’animal, le jeu est un moyen de mettre en place les apprentissages sans que le chien s’en aperçoive.
L’éducation doit être synonyme de plaisir, celui d’éprouver des sensations agréables, de ressentir des impressions nouvelles ou simplement d’exciter des organes qui provoquent le plaisir.
À qui s’adresse-t-elle ?
En priorité aux chiots, car ils sont à l’âge où toutes les découvertes associées à des sensations agréables sont mémorisées. On peut également l’utiliser sans problème avec un chien adulte de n’importe quel âge, la seule condition étant la motivation.
Lorsque l’École du chiot a été créée, les clubs d’éducation canine n’acceptaient les chiens qu’à l’âge d’un an (enverriez-vous votre enfant à l’école pour la première fois à l’âge de 18 ans ?). Aujourd’hui, ils font leur rentrée à l’école « maternelle » dès l’âge de deux mois pour suivre l’éducation de base selon la Méthode naturelle, apprendre la résistance au stress, la sociabilité, les manipulations… tout ce qui est nécessaire pour s’intégrer dans la société humaine.
On peut l’utiliser pour les chiens adultes de n’importe quelle race, car elle n’est basée que sur du renforcement positif et n’engendre pas de blocage.
Pour la rééducation des comportements gênants (aboyer, creuser, poursuivre…), elle sera préférée à la douleur ou aux médicaments.
Cette méthode fait merveille également pour les chiens-visiteurs qui se rendent avec leur maître auprès des personnes hospitalisées, les maisons de retraite ou les écoles.
Elle donne des chiens qui supportent stoïquement les manipulations, même les plus brutales, et qui recherchent le contact avec l’humain. Elle est employée pour la préparation des futurs chiens guides d’aveugles ou pour handicapés dans les familles d’accueil des chiots.
Une autre manière d’éduquer
Travailler est un plaisir, en communion avec son maître, ne dispense pas le chien de le faire intelligemment. De plus, la méthode « récompensante » est la meilleure puisqu’elle utilise le chien en son entier (aussi bien le cerveau que les pattes).
La Méthode naturelle est plus une philosophie de l’éducation qu’une éducation. Le maître doit ressentir son chien afin d’être en accord physique et psychique avec lui, il doit respecter son individualité. Il doit être inventif et ludique, car son compagnon a horreur de la monotonie. En aucun cas il ne doit y avoir contrainte ou souffrance.
L’éducation intelligente demande au maître des qualités de patience, de réflexion, de justice et surtout un sens de l’observation aigu afin de corriger rapidement la méthode sans corriger le chien.
En laissant de côté les procédés inhibiteurs, on choisit la voie royale de l’accord, de la fusion entre deux espèces, deux individus, deux compagnons.